le rôle du sommeil
dans le mécanisme du Ronflement
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Le sommeil d'une nuit est une succession de voyages vers les profondeurs du rêve,
et ce n'est le plus souvent que très loin de la surface formée par l'état conscient qu'apparait le ronflement.

Ceci mérite d'être un peu détaillé :
Grâce à l'enregistrement pendant leur sommeil de l'électroencéphalogramme et de certaines constantes biologiques de sujets variés,(aussi bien des hommes ou des femmes que des animaux), on a pu étudier la forme des ondes dessinées par les tracés électroencéphalographiques, et corréler celles-ci avec les variations du pouls, de la tension artérielle, du tonus musculaire, de la teneur du sang en oxygène et en gaz carbonique, et aussi avec l'amplitude des mouvements involontaires, aussi bien des membres que des globes oculaires.

Le ronflement a ainsi été observé et un peu étudié chez l'homme, mais ce ne fut pas à l'occasion de travaux destinés à mieux comprendre son mécanisme, car ceux-ci, jusqu'à tout récemment, ont été complètement négligés. Cette corrélation du ronflement avec beaucoup d'autres paramètres biologiques a été faite à l'occasion de l'étude systématique de patients présentant des affections graves, tel le syndrome de Pickwick, ou certaines apnées du sommeil. On confondait alors très souvent râclement et ronflement, Dans ces maladies,le ronflement n'est qu'un signe parmi les autres, longtemps demeuré accessoire aux yeux des médecins, bien plus inquiets de la longueur des apnées, ou de la baisse de l'oxygène sanguin.

Pourtant, chez ces patients, le ronflement constituait un symptome important dans la mesure où il exprimait l'intensité de l'obstacle inspiratoire que ceux-ci avaient à vaincre. Sa violence aurait dû laisser pressentir l'importance des conséquences biologiques que cet obstacle entraînait. En tout cas, d'importantes corrélations ont été établies, presque fortuitement, entre la survenue du ronflement et l'altération de certains paramètres. Voyons ici les variations du tonus musculaire permet de mieux comprendre pourquoi le ronflement survient de manière variable dans le courant de la nuit.

Le sommeil d'une nuit évolue en une série de six à dix phases de sommeil calme, de profondeur croissante, alternant avec des phases plus brèves de sommeil agité dit sommeil paradoxal.
Les phases de sommeil calme comprennent des stades de profondeur variable, caractérisés par l'aspect des ondes électroencéphalographiques et l'importance du relâchement musculaire.
Dans le sommeil paradoxal en revanche apparaissent des ondes électroencéphalographiques très spéciales, accompagnées de toute une série de mouvement des membres et des globes oculaires. Paradoxalement - c'est bien le terme qui convient - c'est à ce stade que le sommeil est le plus réparateur, et c'est à ce moment là que surviennent les rêves. Ce n'est qu'après plus d'une heure de sommeil calme, dont elle est l'aboutissement, qu'apparait la première vague de sommeil paradoxal. Elle est brève, de quelques minutes, et rapproche le dormeur de l'éveil.
Mais aussitôt reprennent cours le sommeil calme et ses phases successives d'approfondissement croissant, jusqu'à une nouvelle période de sommeil paradoxal de plus en plus longue à mesure que la nuit se déroule.

L'éveil naturel survient ainsi très souvent au terme de l'une d'entre elle, et c'est pourquoi l'on peut se souvenir très facilement des rêves qui viennent de la parcourir. Ce n'est qu'en cas d'extrême fatigue que la première phase de sommeil calme est pratiquement court-circuitée, et que le sujet plonge d'emblée dans le sommeil paradoxal et ses rêves réparateurs. Nous avons tous souvenir, au cours d'un important manque de sommeil, de lutter péniblement contre celui-ci, mais pourtant, au moindre répit de notre attention, de sombrer dans des instants de brève somnolence bourrés de rêves les plus denses et les plus abracadabrants. Car, nonobstant ce qu'en pensent les psychanalystes, les rêves sont les balayures du cerveau, qui grâce à eux, chaque nuit, se fait toilette des fatigues de la journée.

Pour en comprendre l'importance, il faut rappeler une expérience cruelle réalisée sur l'animal.

Sur le chien endormi, comme chez la plupart des mammifères, l'électroencéphalogramme signale les mêmes phases du sommeil présentant ces ondes caractéristiques du rêve, entrecoupées de périodes de sommeil plus profond où celles-ci sont absentes. Si, laissant le chien dormir pendant ces périodes calmes, on l'éveille systématiquement dès qu'apparaissent ces ondes du sommeil paradoxal, c'est-à-dire dès qu'il commence à rêver dans sa conscience de chien, très vite l'animal, bien qu'il se rendorme et traverse de longues périodes de sommeil sans rêve, va présenter au réveil des signes d'irritabilité, d'inquiétude, d'agitation, d'inappétence et de somnolence. Et si le même traitement cruel "révo-suppresseur" lui est appliqué obstinément, au bout de quelques jours l'animal finit par dépérir et par mourir, comme intoxiqué par ses rêves qu'il n'a pu éliminer.

Supprimer les rêves, c'est comme lier les uretères : on meurt d'urémie.
On pressent ainsi pourquoi tout ce qui chez l'homme peut perturber le déroulement du sommeil paradoxal, comme le fait notamment le ronflement, va entraîner des troubles multiples, de gravité variable, heureusement légère la plupart du temps, mais dont jusqu'à présent on ne soupçonnait pas du tout l'origine.

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Le ronflement est grandement facilité par le relâchement musculaire (ou hypotonie)
Or, cette hypotonie augmente progressivement avec les différents stades d'endormissement du sommeil calme.

A la phase la plus profonde de celui-ci - celle qui précède l'apparition du sommeil paradoxal et des rêves - l'hypotonie est maximum, le ronflement aussi, ainsi que l'asphyxie qui l'accompagne. Celle-ci éveille plus ou moins le ronfleur, le plus souvent avant qu'il n'ait pu rêver. Ce demi réveil redonne du tonus à son voile: il cesse de ronfler un moment, et ceci lui permet de retrouver son souffle pendant quelques instants; mais pour retourner à ses rêves, il doit se rendormir et retraverser les différents stades du sommeil calme.
Malheureusement, au moment où il va les rejoindre, son voile se détend à nouveau; il recommence à ronfler et à nouveau l'asphyxie progressive le ramène en urgence à la surface de la conscience.

Il lui arrive quand même, épuisé, de plonger à la fin de la nuit très rapidement vers le sommeil paradoxal, et d'y séjourner quelue peu, d'autant qu'à ce stade nous allons le voir on ronfle un peu moins. Mais au total, dans sa nuit, la durée globale de cette phase essentielle de son sommeil se trouve très raccourcie on imagine les malaises qui en découleront au réveil et dans la journée, si l'on se souvient des misères grandissantes de ce pauvre chien qu'on ne laissait pas rêver.

Ce phénomène cyclique n'est pas immuable. Le réveil ou semi réveil, qui permet l'oxygénation, est souvent remplacé par la survenue de la phase de sommeil paradoxal au cours duquel la ventilation s'améliore. A ce stade en effet, le tonus musculaire augmente, quoique de manière variable et désordonnée. Le ronflement devient donc moins important, beaucoup plus irrégulier, et s'accompagne de mouvements anarchiques, notamment d'une reprise bruyante de la respiration permettant pour un temps la réoxygénation de l'organisme.

On comprend dès lors le danger des gadgets inventés pour empêcher les gens de ronfler, quand ils consistent à les réveiller dès qu'ils émettent leur cri inspiratoire, car celui-ci reflète en fait ce relachement produit par l'approche de leur sommeil paradoxal.

Ces méthodes sont aussi stupides que si l'on prétendait - répétons-le - traiter l'énurésie (c'est-à-dire le pipi au lit) par la ligature des uretères.
Pour la même raison, le traitement postural, qui s'efforce de replacer sur le ventre le ronfleur au subconscient inattentif qui s'est machinalement remis sur le dos, doit se faire aussi doucement que possible, pour permettre au plongeur endormi jusqu'au fond de ses rêves, d'y rester le temps nécessaire à son cerveau pour se laver des fatigues du jour. Réveiller le ronfleur à cet instant, équivaudrait à lui faire subir une remontée brutale en scaphandre : l'accident de décompression va se produire, et les bulles d'air des rêves interrompus bloqueront dès le matin son entrain et sa joie de vivre.

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