Qui ronfle ?

une étude systématique :

la République de San Marin



 






 

Vestige du passé au milieu de notre modernité, San Marin est un joyau des arts roman et florentin, perché sur son rocher allongé aux rues en corniche et aux places suspendues. Situé sur la côte est de l'Italie, la cité, qui domine à la fois l'Adriatique immense et la campagne sereine de l' Emilie, est une ville libre, un peu comme Monaco. Les ocres multiples des toits et des murailles s'harmonisent avec les bleus et les verts des oliviers, des ombres encorbellées et des lierres en cascade.

Mais la beauté majestueuse de cette place forte d'autrefois, ses maisons secrètes, ses porches somptueux et ses ruelles étroites cachent et protègent des citoyens dont le profil pathologique est bien mieux connu des médecins pneumologues du monde entier, que ne l'est le renom historique de leur cité. Car, au moins pour les spécialistes qui lisent la très sérieuse revue internationale "Lung", l'aptitude au ronflement des habitants de San Marin, parfaitement définie, est sans doute bien plus intéressante à retenir, que les trésors artistiques et architecturaux recélés par cette ville médiévale.

Le nombre des ronfleurs y est en effet tout à fait connu. En 1980, à l'instigation du pneumologue italien Lugaresi, un recensement très strict de la répartition de cette manifestation a été réalisé dans les différentes tranches d'âge des 22 800 personnes qui constituent très exactement la population de ce petit Etat, et chaque citoyen de cette République privilégiée a fait l'objet d'un check-up biologique et d'examens cliniques destinés à apprécier l'épidémiologie et les corrélations pathologiques, si ce n'est les conséquences du ronflement.

Seule en son genre, cette étude systématique présente un grand intérêt. Portant sur un grand nombre d'individu, de classes sociales très diverses, et de mode de vie et d'habitat fort varié, elle permet, sans grand risque d'erreur , d'extrapoler ses résultats à l'ensemble de nos congénères.

Et ceux-ci sont édifiants.

Parmi la totalité de la population, enfants compris, on trouve 35 % de ronfleurs, dont 20 % de manière constante et 15 % de manière intermittente. Les hommes ronflent plus que les femmes : 25 % des hommes et 15 % des femmes ronflent toutes les nuits, tandis que 15 % des hommes et 13 % des femmes ne ronflent qu'à l'occasion de facteurs déclenchants (alcool, gros repas, fatigue).

La survenue du ronflement augmente avec l'âge. Cette corrélation est particulièrement nette chez l'homme entre 35 et 50 ans. Elle n'est évidente chez la femme qu'un peu plus tard, entre 50 et 65 ans. On retrouve là le rôle protecteur des hormones féminines évoqué plus haut. Cette corrélation avec l'âge cesse dans les deux sexes au-delà de 65 ans.

Chez les enfants de moins de 16 ans on trouve, sans prédominance en fonction du sexe, moins de 5 % de ronfleurs. En revanche, entre 16 et 40 ans, 19 % des hommes et 6 % des femmes sont des ronfleurs impénitents, tandis qu'entre 41 et 65 ans ces chiffres passent respectivement à 63 % et 45 %.

En dehors de l'âge, le poids est en relation très directe avec la survenue du ronflement : plus de 54 % des sujets obèses sont des ronfleurs habituels, alors que cette infirmité ne se rencontre que dans 34 % des sujets à poids normal. L'hypertension artérielle et les maladies de cœur sont beaucoup plus fréquentes chez les ronfleurs obèses. On sait cependant que d'une manière générale, l'obésité favorise ces deux affections. C'est pourquoi il est particulièrement intéressant de souligner que, selon cette très sérieuse enquête, même chez les ronfleurs dont le poids est normal, la survenue de troubles hypertensifs ou cardiaques se rencontre beaucoup plus fréquemment que chez les sujets qui ne ronflent pas.

Au début, le ronflement du sujet jeune n'entraîne aucun trouble pathologique. À vingt ans ou trente ans, en effet, l'organisme est la plupart du temps capable de résister sans vergogne, comme le fait un plongeur de combat, à l'anoxie nocturne à laquelle il se trouve quotidiennement soumis. Mais les conséquences sociales et relationnelles peuvent prendre des proportions considérables, et gâcher véritablement l'adolescence ou la jeunesse.



 


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