Mécanismes
de la vibration
du voile du palais et de la luette

Quelles sont donc les raisons qui vont amener un certain voile à vibrer,
tandis qu'un autre restera silencieux ?

Les phénomènes physiques

Entre la cavité nasale et la trachée, toutes deux rigides et indéformables, l'air inspiratoire va traverser  un espace déformable, élastique et plus ou moins rétréci.
Dans ce rétrécissement vont apparaitre des modifications de débit et de pression appelées phénomènes de Venturi, régis par les théorèmes de Bernouilli, à l'origine de la vibration des parois de ce rétrécissement, notamment du voile du palais, et de son collapsus plus ou moins complet.
Si on considère la dynamique d'un fluide s'écoulant dans un conduit présentant un rétrécissement, le débit du fluide étant le même à tous les endroits du tuyau, la vitesse d'écoulement est beaucoup plus rapide au niveau du rétrécissement. Au niveau de ce rétrécissement la pression du fluide sur les parois va être plus faible qu'au niveau de la partie large, de telle manière que si le rétrécissement est suffisamment important, la pression peut devenir négative par rapport à l'extérieur : c'est là le principe de la trompe à eau.

Si la paroi dans sa partie rétrécie est molle au lieu d'être rigide, comme le reste du tuyau, la dépression réalisée va écraser celui-ci et empêcher le passage de l'eau.
Mais aussitôt, dès que le débit tombe, la dépression cesse.
Si cette partie molle est pourvue d'une certaine élasticité au niveau de ce rétrécissement, le tuyau retrouve alors immédiatement son calibre, et la circulation du fluide reprend, engendrant une nouvelle dépression au niveau du rétrécissement ...
et ainsi de suite !
L'émission de l'eau va donc s'effectuer de manière hâchée, en une succession de hoquets plus ou moins bruyants, marquant les écrasements et les relâchements ininterrompus de la zone étroite, molle et élastique du tuyau.

Entre les fosses nasales et la trachée rigides, les parois de l'orohypopharynx sont molles, élastiques et rétrécies.
Tout est donc réuni pour que se produise plusieurs fois par seconde ce phénomène de Venturi, qui rend compte de la vibration du voile du palais, responsable de ce bruit intense à 30 Herz environ, lié au claquement de celui-ci contre les parois du pharynx.
Mais en outre, à  cause des réactions de défense provoquées par cette gêne inspiratoire, se crée un cercle vicieux comportant une majoration de l'effort inspiratoire sous l'effet de cette obstruction - destinée à lutter contre l'asphyxie que celui-ci entraine - mais responsable à son tour d'une obstruction qui est d'autant plus rapide et plus importante que cet effort est puissant.

Ce serait au contraire en inspirant tout doucement qu'on pourrait compenser l'hypotonie du voile due au sommeil et éviter le ronflement.
On notera la similitude des phénomènes dans la détresse inspiratoire des dyspnées laryngées, qui aboutit à un effort volontaire de ralentissement du rythme inspiratoire destiné justement à diminuer les effets nocifs de ce cercle vicieux.
Ce contrôle volontaire étant impossible lors du sommeil, rend compte du fait qu'un ronflement, à partir du moment où il s'installe, ne peut que s'aggraver jusqu'à ce que l'éveil ou le semi éveil, redonnant du tonus aux muscles de l'oropharynx, supprime le rétrécissement et ses effets nocifs.

Observons ce qui se passe lors du ronflement actif, celui qu'on réalise en reniflant, bouche ouverte ou bouche fermée. Tout d'abord, vous remarquerez immédiatement que le son réalisé est bien plus bruyant si la bouche est ouverte. La différence d'intensité est comparable à celle existant entre une trompette normale et une trompette bouchée. Puis vous noterez qu'il s'agit d'une vibration d'assez basse fréquence, puisqu'on devine les battements qui le composent, dont la fréquence, nous le verrons plus loin, ne dépasse pas 30 coups par seconde. Ensuite vous observerez que pour réaliser ce ronflement, il faut contracter le voile et faire obligatoirement un effort inspiratoire assez intense pour que l'air puisse passer et faire vibrer le voile à moitié détendu et déjà collé sur le pharynx.

Le mécanisme et les conséquences du ronflement se trouve résumé dans ce geste banal, qu'on fait quotidiennement, aussi bien pour imiter le bruit du cochon, que pour éviter de se moucher.

Pour que la vibration se produise il faut que successivement, et environ 30 fois par seconde, le voile mou touche la paroi postérieure du pharynx, qu'il en soit repoussé par un courant d'air venu du nez, puis qu'une force quelconque le ramène contre le palais. Dans le ronflement délibéré cette force est la contraction volontaire. Dans le ronflement nocturne passif en position couchée cette force est celle de la pesanteur, et quand elle s'applique sur un voile volumineux et long, on comprend pourquoi celui-ci tend spontanément à se coller sur le pharynx.

Ce courant d'air nasal inspiratoire est indispensable. Si le nez est bouché un ronflement vrai, c'est-à-dire une vibration du voile, est impossible, puisqu'il faut un courant d'air extérieur venu du nez pour déplacer ce voile. Le patient enrhumé dort la bouche ouverte, c'est vrai. Souvent il fait un bruit important, c'est aussi évident. C'est un raclement, plus qu'un ronflement; mais son retentissement sur la ventilation nocturne peut être encore plus grave.

Voilà pourquoi le ronflement n'apparaît qu'à l'inspiration; le mouvement du voile est comme celui d'un levier dont l'axe serait en haut à la jonction du voile mou avec le voile dur. Seul un courant d'air inspiratoire peut bouger ce levier. Un courant expiratoire ne peut que plaquer le voile une bonne fois pour toutes sur le pharynx pendant toute la durée de l'expiration, sans vibration aucune. Ainsi comprend-on une des raisons pour lesquelles le ronfleur dort la bouche ouverte, ce qui intensifie le bruit émis, et en outre lui fait associer très souvent à ce ronflement inspiratoire un râclement expiratoire.

Notons aussi que, contrairement à une notion très répandue, la fermeture de la bouche n'empêche pas de ronfler, stricto sensu: en réalité elle empêche simplement d'expirer; le ronfleur, ainsi malmené, étouffe, se réveille et cesse bien sûr de ronfler.

Dans le ronflement actif, on remarque aussi, (puisqu'on le fait volontairement), l'effort respiratoire intense qu'il faut effectuer pour parvenir à émettre le bruit. On notera que ce geste est rarement poursuivi longtemps, car il finit par faire mal, et très vite le voile mou s'irrite à claquer ainsi contre la dure paroi du pharynx.

C'est pourquoi beaucoup de ronfleurs ont mal à la gorge au réveil, et certains découvrent parfois un énorme oedème matinal de leur luette, qui va disparaître dans la journée. Ce gonflement est dû au traumatisme incessant subi par cet organe pendant presque toute la nuit.

C'est à propos d'une semblable fluxion aiguë de cet appendice que fut proposée, il y a bien longtemps, tout simplement la section de l'organe malade. Ce fut là sans doute, dans l'histoire des hommes, le premier raccourcissement chirurgical du voile. On était au XVIIème siècle. Cette affection s'appelait alors la chute de la luette. Sa bénignité était déjà connue, mais son retentissement psychique sur une dame de l'époque conduisit le chirurgien M. MORAND de "l'Académie Royale des Sciences et de plusieurs autres...", à en pratiquer l'exérèse, qui guérit la patiente.

MORAND raconte succinctement les circonstances de cette grande première à la page 101 de ses Opuscules de Chirurgie parus en 1772 avec Approbation et Privilège du Roi.

"Tout le monde sait ce que l'on appelle avoir la luette tombée ; mais l'on imagineroît peut-être pas que cette maladie, laquelle en général ne paroît point être de conséquence, pût à la longue coûter la vie au malade. Une Dame d'environ 40 ans, demeurant en Province, se montra ayant la luette tombée, à un Chirurgien du lieu qui lui ordonna les remèdes usités, les gargarismes connus, etc. La maladie augmenta peu à peu, mais à tel point que la Dame avoit de la peine à avaler. Sans cesse occupée de son gosier, prenant peu de nourriture, ne dormant point, elle tomba dans une maigreur et un état de langueur à faire craindre pour sa vie. Elle me fut amenée à Paris où je ne fus pas longtemps à reconnoitre la cause de son fâcheux état, que je crus devoir attribuer à la chute de la luette. Je lui promis une guérison certaine & prompte en coupant la luette, & je lui tins parole. J'ai fait souvent cette Opération, & elle a toujours réussi".

On remarquera bien sûr que ce texte ne mentionne pas la moindre relation entre cette chute de la luette et l'existence d'un ronflement. A cette époque, la ménopause était plus précoce que maintenant, et nous verrons qu'après celle-ci les femmes ronflent autant que les hommes. Il est vraisemblable que cette dame, qui avait déjà 40 ans, devait avoir un grand voile et ronflait sûrement puissamment.

Mais il faut noter aussi qu'à l'époque les promoteurs d'une technique nouvelle avaient les mêmes difficultés qu'aujourd'hui à diffuser leur méthode. Car MORAND poursuit ainsi :

- J'ai eu occasion de la conseiller dans une Ville, où un Maître Chirurgien, jouissant d'une sorte de réputation, fut fort étonné d'apprendre que j'avois ordonné à quelqu'un de sa connaissance qui étoit dans le cas, de se faire couper la luette, & dit au jeune homme que je m'étois mocqué de lui. Le jeune homme vint cependant à Paris où on lui coupa la luette, & s'en retourna guéri comme je lui avois promis. Au surplus cette Opération eut de si petite conséquence, que je l'ai faite plusieurs fois chez moi, les malades s'en allant sur-le-champ".

Ce ne furent pas les dénigrements dont ce geste opératoire fut l'objet, qui le firent tomber plus tard dans l'oubli, mais le fait que ses indications, la fluxion aigüe de la luette, en étaient rares. Quel succès elle eût connu si MORAND avait remarqué la diminution du ronflement que cette "Opération" entraînait sans doute de surcroît !

Cet énorme oedème traumatique, qu'on peut ainsi observer sur la luette d'un ronfleur, laisse pressentir l'effort musculaire intense que le dormeur doit réaliser pour lever l'obstacle formé par son voile au passage de l'air. Tout se passe comme si, en permanence, le sujet dormait avec un sac de sable de cinquante kilos sur la poitrine, qu'il lui fallait soulever à chaque inspiration. On comprend qu'au réveil il se sente fatigué, ou se souvienne de sensations cauchemardesques d'étouffement ou d'oppression! Ceci aboutit à un développement considérable des muscles inspiratoires et, en particulier, de ce muscle très spécial et déjà énorme que l'on nomme le diaphragme. Nous reverrons comment la mesure de la force propre de ce muscle particulier est un moyen indirect de mesurer la gravité d'un ronflement et son retentissement sur le déroulement normal de la respiration.

Pour les physiciens, le mécanisme du ronflement procède de la loi de Bernouilli, qui régit la dynamique d'un fluide s'écoulant dans un conduit présentant un rétrécissement. Ils expliquent - et là on les suit assez bien - que, le débit du fluide étant le même à tous les endroits du tuyau, la vitesse d'écoulement va donc être beaucoup plus rapide au niveau du rétrécissement. Ces mêmes physiciens démontrent facilement - mais c'est un peu plus difficile à imaginer - qu'au regard de ce rétrécissement la pression du fluide sur les parois va être plus faible qu'au niveau de la partie large, au point que, si le rétrécissement est suffisamment important, la pression peut même devenir négative par rapport à l'extérieur : c'est là le principe de la trompe à eau, cet appareil d'une simplicité angélique, qui se branche sur le robinet de l'évier et permet, grâce au débit de l'eau de la ville, d'avoir une source d'aspiration utilisable aussi bien à des fins ménagères, que médicales ou industrielles.

On devine tout de suite que, si la paroi du rétrécissement est molle au lieu d'être rigide comme le reste du tuyau, la dépression réalisée va écraser celui-ci, et empêcher le passage de l'eau. Mais aussitôt, dès que le débit tombe, la dépression cesse : au niveau de son rétrécissement, le tuyau retrouve alors immédiatement son calibre, et la circulation du fluide reprend, engendrant une nouvelle dépression au niveau du rétrécissement ... et ainsi de suite !. L'émission de l'eau va donc s'effectuer de manière hachée, en une succession de hocquets plus ou moins bruyants, marquant les écrasements et les relâchements ininterrompus de la zone étroite et molle du tuyau.

Si l'on considère maintenant le conduit amenant l'air des narines jusqu'aux bronches, on notera que ses parois sont toutes rigides, sauf au niveau du rhinopharynx, où existe un rétrécissement, dont une des parois, le voile du palais, est à la fois molle et plus ou moins élastique. Tout est donc réuni pour que se produise plusieurs fois par seconde ce phénomène de Bernouilli. Mais, de plus, à cause des réactions de défense de l'organisme, il se crée un cercle vicieux, comportant une majoration de l'effort inspiratoire sous l'effet de l'obstacle rencontré - destiné à lutter contre l'asphyxie que celui-ci entraîne - responsable à son tour d'une obstruction, qui est d'autant plus rapide et importante que cet effort est puissant ... ! Ce serait au contraire en inspirant tout doucement qu'on pourrait compenser l'hypothonie du voile dûe au sommeil, et éviter le ronflement. Mais quand on dort, comme la plupart du temps d'ailleurs, on ne contrôle pas sa respiration qui s'effectue de manière automatique. Toujours est-il qu'on aboutit de la sorte à ces mouvements passifs et rythmés du voile, qui est projeté trente fois par seconde environ contre le pharynx, en un claquement générateur du bruit caractéristique du ronflement.

Si vous demandez à plusieurs personnes de votre entourage, jeunes de préférence, de réaliser ce ronflement actif, vous constaterez une dernière chose : tout le monde n'en est pas capable. Certains garçons, la plupart des hommes de plus de 30 ans, y parviennent sans peine. D'autres au contraire, plus souvent des femmes ou des sujets jeunes, peuvent tout juste émettre un reniflement sonore un peu râclant, mais sans aucune vibration perceptible. Cette différence n'est pas seulement due à un manque d'entraînement, comme on pourrait le penser si on se rappelle que les femmes en général reniflent et crachent moins que les hommes. La raison de cette incapacité à émettre un ronflement actif provient surtout du fait que le voile de ces sujets jeunes ou féminins est court, tonique, uniquement musculaire, sans muqueuse lâche ou amas graisseux qui puissent jouer sous la pression inspiratoire et "flotter au vent". Ceci va nous aider à comprendre pourquoi les uns ronflent la nuit et non les autres.

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