Le ronflement de l'enfant

Il est curieux d'observer la différence des attitudes adoptées à l'égard du ronflement des adultes et de celui des enfants.

Lorsqu'on entend dans son sommeil un enfant ronfler, il ne viendrait à personne l'idée de protester égoïstement contre le vacarme dont il est l'auteur, ou même simplement d'en rire. Tout au contraire les parents, à juste titre, s'en inquiètent. Ils devinent l'asphyxie que signifie ce bruit, et viennent sans tarder en demander remède aux pédiatres ou aux ORL.

Pourquoi le même symptôme a-t-il longtemps provoqué chez l'adulte sarcasme ou mépris, alors qu'il aurait du là aussi susciter inquiétude et pitié ? Pourquoi a-t-on jusqu'à ces dernières années méconnu l'asphyxie dont souffrait le ronfleur adulte, alors que la mère, dont l'enfant ronfle, comprend immédiatement que celui-ci respire mal, et consulte immédiatement son pédiatre ? Peut-être est ce parce que, face à cet obstacle respiratoire dont la mère pressent immédiatement l'existence, la fragilité de l'enfant, et la faiblesse de ses défenses, sont a priori plus évidentes que celles d'un adulte - le père de cet enfant par exemple - dont la force et la puissance ne sont instinctivement jamais mises en doute.

Cependant le mécanisme du ronflement de l'enfant ne repose pratiquement jamais sur l'existence d'un voile trop long. Il s'agit toujours d'un obstacle mécanique. Parfois celui-ci consiste en une affection nasale, rhinite, rhinosinusite ou déviation de cloison. En fait, presque toujours, la raison du ronflement réside en des végétations adénoides énormes, obstruant plus ou moins complètement l'arrière du nez, ou en des amygdales très développées, fermant presque totalement le pharynx, allant jusqu'à se toucher sur la ligne médiane. Cet obstacle permanent gène donc aussi bien l'inspiration que l'expiration, et le bruit qu'il entraîne n'a pas toujours la composante vibratoire du ronflement classique.

Mais ses conséquences biologiques ou comportementales sont les mêmes, à des degrés de gravité variables. Il est une forme particulièrement sévère dans laquelle l'asphyxie chronique nocturne entraîne dans la journée une hypotonie généralisée, avec retard au développement en poids aussi bien qu'en taille. Ces enfants mous sont des sortes de poupées de son, qui marchent très tard et n'ont pratiquement aucune des activités physiques et ludiques de leur âge.

A côté de cet aspect exceptionnel, qui s'améliore rapidement en supprimant l'obstacle à la ventilation que forment amygdales et végétations, il est fréquent chez l'enfant plus grand d'observer un tableau moins grave, comportant un peu comme chez l'adulte des troubles de l'oxygénation sanguine, avec les mêmes apnées du sommeil, les cauchemars, les réveils en sursaut, la fatigue matinale, la somnolence diurne, avec troubles du caractère; il s'y rajoute souvent pipi au lit et mauvais résultats scolaires; mais à l'inverse de l'adulte, l'enfant ronfleur n'est pas obése, mais au contraire maigre et hypotrophique

Cependant, chez l'enfant, l'évidence du mécanisme de l'affection responsable conduit pratiquement toujours à en effectuer la cure. Celle-ci amène immédiatement la guérison de tous les symptomes; de plus la croissance staturo-pondérale s'installe, et à l'école les scores s'améliorent. Mais cette libération des voies respiratoires doit être complète; elle ne doit pas négliger la suppression des amygdales, sous prétexte que les végétations sont très volumineuses, ni oublier de traiter une rhinite éventuellement associée. En pratique, le ronflement de l'enfant est donc beaucoup moins grave que celui de l'adulte, et pose beaucoup moins de problèmes diagnostiques ou thérapeutiques.

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