journal post-opératoire
des retrouvailles de l'audition
d'un implanté
adulte devenu sourd

déjà paru dans le livre :
Pr Chouard. Vaincre la surdité:progrès et promesses.
Editions du Rocher - 1995




Il y a quelques semaines, je reçus d'un de mes patients, que j'avais implanté l'année dernière, une lettre de remerciements émus, accompagnée d'un colis de victuailles. Au fond du panier, rempli de foies gras, de cous d'oie farcis, et de lourdes boites de confits, je trouvai une vingtaine de feuillets dactylographiés, dont Mr F... m'avait annoncé la venue. Je savais qu'il aimait écrire, et je lui avais demandé de me détailler ses premières sensations sonores, car ce sont là des moments qui m'ont toujours captivé. Il y a tant de choses qui passent à cet instant dans les yeux de nos opérés, que je souhaitais, par une sorte de voyeurisme intense, en savoir davantage. En fait, il m'en dit beaucoup plus, en détaillant d'abord ce qu'il avait enduré pendant des années, puis en me racontant ses retrouvailles avec les bruits, les paroles des autres, et finalement en me contant comment il avait pu, peu à peu, grâce à son implant, se reconstruire une vie nouvelle.

Ainsi m'a-t-il fait comprendre ce que nous lui avions apporté, bien mieux que toutes nos publications scientifiques, et tous les scores et toutes les performances "statistiquement significatives" de tous nos opérés.

Mr F...était devenu sourd il y a plus de vingt cinq ans, à la suite d'un accident de voiture, en 1968 avec une double fracture du rocher. Il était venu me consulter, vers les années 77, au début de mes travaux. Les résultats encourageants que nous commencions à obtenir avaient incité le médecin ORL qui le suivait dans sa province, à lui conseiller de venir me voir. Je me souviens bien de lui il y a déjà dix sept ans de cela. Le test était positif. Avec mon électrode posée pendant quelques minutes sur la fenêtre ronde de son oreille interne, j'avais pu lui faire entendre des sons, et même lui parler un peu grâce à une vieille prothèse auditive d'autrefois dont nous branchions quelques instants les fils sur l'électrode utilisée pour le test. Je pouvais donc l'implanter. Mais quand il vit l'appareil, qui à l'époque était énorme, gros comme un bidon d'huile, il préféra renoncer: il ne se voyait pas, me dit-il alors, se promener sans quitter ce sac de cuir porté en bandoulière.

Je le comprends ! me direz-vous. Mais cette réaction, qui est la vôtre, est celle d'un bien-entendant, car nous ne savons pas ce que c'est que le supplice de Tantale, qui condamne le sourd total à ne rien entendre du tout. Vous ne pouvez pas l'imaginer, et moi-même j'ai toujours du mal à en prendre exactement conscience. Je le pressens cependant, en me rappelant avec étonnement, que, pour la plupart des sourds totaux que nous rencontrions à l'époque, le volume de cet émetteur n'était pas un obstacle, tant était grande leur misère d'être plongés dans le silence absolu.

La vraie raison des réticences de Mr F... est qu'à cette époque là, en ces années 77, il n'était pas encore réellement motivé. Sa surdité totale ne paraissait pas beaucoup le handicaper, ni être un obstacle à sa vie professionnelle ou affective. Il était là pour voir, un peu dubitatif comme l'aurait été quelqu'un qui aurait entendu normalement. J'avais l'impression qu'il n'était venu que pour se renseigner, comme si la solution proposée était destinée à quelqu'un d'autre que lui. Sur l'instant je n'avais pas compris pourquoi. Mais le parcours de son histoire, que retrace son récit, fait aujourd'hui bien mesurer l'état d'esprit tout différent dans lequel il était, quand il réapparut, presque quinze ans plus tard :entendre était devenu pour lui une urgence, la bouée de sauvetage qu'il essayait désespérément d'attraper. Il aurait tout accepté, même le "bidon d'huile" d'il y a dix-sept ans.

La lecture des quelques extraits que voici éclaire le drame de ce patient d'un jour particulier.


Dimanche 10 Octobre: jour J-1
Je vais être implanté demain matin. Cette opération, en toute sincérité, ne compte pas. ce n'est qu'une minuscule péripétie par rapport à tout ce que j'ai vécu et enduré. L'anesthésie , pffft ! et le petit bobo à la tête qui s'ensuivra sans doute, je n'y pense pas vraiment, c'est secondaire.

Ma chance est inouïe ! J'en ai conscience. Quand je pense que j'aurais pu finir mes jours dans cet isolement, que des circonstances familiales ont rendu depuis deux ans parfois intolérable !

Quand je pense que je suis sourd depuis vingt cinq ans ! Les vingt-deux premières années de ce parcours se sont succédées, sans que je mesure vraiment combien cette infirmité pouvait être paralysante, et avec quel poids elle était capable de peser sur la destinée d'un être.

Pendant plus de vingt ans, j'ai cru que je vivais à peu près comme avant. Je trouvais que j'étais resté moi-même, à part cette gêne que constituait ma surdité, mais qui était peu importante pendant ces années là. Il faut dire que, malgré le silence, je fus, assez longtemps, parfaitement heureux. Mon handicap avait débuté quelques jours avant que nous puissions nous marier, Élisabeth et moi. Nous nous aimions éperdument. Elle m'aimait tellement à l'époque qu'elle m'avait épousé malgré ce terrible accident qui m'avait frappé quelques jours avant nos noces. Pendant toute cette époque, j'étais satisfait de mon sort. La surdité s'était faite indulgente, croyais-je. Je m'étais trompé. Ce qui m'aidait à la supporter, mais sans que je le sache, c'était l'affection de ma compagne, cet amour que j'ai si longtemps partagé avec elle .

Je me rappelle l'accident qui m'a rendu sourd. Quelques mois plus tôt, je venais de rencontrer celle qui allait être la mère de mes enfants, celle qui fut ma femme pendant vingt deux ans. Nos projets prévoyaient de vivre ensemble. Et puis, le 21 Juin 1968, le jour où nous devions nous marier, le jour où notre vie commune devait débuter, c'était l'hôpital ! Trois jours plus tôt, un camion fou m'attrapait, culbutait ma voiture dans un champ de colzas; je revois tout ce jaune tourbillonnant pendant ces trois tonneaux. Et puis le réveil, les douleurs, les perfusions, mais surtout ce silence complet, incompréhensible. J'étais comme dans un sous-marin... et cette paralysie qui immobilisait la moitié de mon visage tuméfié!

Mon réflexe, d'homme lucide je crois, fut de tenter de convaincre ma compagne que la surdité, les autres séquelles qui allaient sûrement subsister, un reste de paralysie faciale sans doute... allaient peser trop lourd pour elle, et qu'il valait mieux renoncer. Elle ne l'a pas voulu. Et la vie que nous nous étions promise a commencé, telle que nous l'avions prévue, avec juste quelques jours de retard. Et puis après, nous avons continué ...

Je sais que la récente rupture qui nous a séparés il y a presque deux ans maintenant, n'est pas uniquement le fait de mon handicap. Mais en m'isolant, la surdité a cependant dicté l'essentiel de mon propre comportement. Si j'avais entendu, il est certain que rien de ce qui nous a vraiment séparés ne se serait produit. Pourquoi suis-je si affirmatif ? Parce que ma carrière se serait poursuivie, et l'équilibre indispensable entre les activités extérieures et la vie qu'on a chez soi, aurait continué d'exister. Mais un jour est arrivée cette pré retraite inattendue, et cette sorte de mépris insidieux que j'ai commencé à lire et à voir grandir dans les yeux de ma femme. J'errais désoeuvré. Les malentendus, puis les heurts ont suivi, jusqu'à l'éclatement de cette cellule familiale qui fut la mienne. Les faits me démontraient que cette obligatoire dépendance qu'inflige la surdité totale, finissait toujours par lasser les autres, même ceux dont l'amour vous semblait le plus sûr.

A présent, depuis près de deux ans, je suis seul, emmuré dans cette ville de province où nous avons vécu ensemble pendant ces vingt trois ans, et dans laquelle, aujourd'hui encore, séparés, nous habitons toujours. Je connais maintenant tout ce que cette infirmité peut réserver de pire. Au départ, quand je suis devenu sourd, ce fond de confiance en moi que j'avais toujours eu dès mon enfance, et que je croyais indéracinable, joua tout son rôle. Mon nouveau logement fut équipé de sonneries lumineuses. Cela permettait, à condition de regarder dans la bonne direction, de voir si quelqu'un frappait à ma porte, ou si le téléphone sonnait. Pour ce dernier, lorsque le voyant qui lui était propre s'allumait et que j'était seul, je décrochais, et je pratiquais un monologue du genre :

"Ici Monsieur F... ! je ne peux pas vous entendre! Ce n'est pas la peine de me parler, je suis sourd. Ma femme sera là à telle heure. Rappelez si possible à ce moment là".

Je parlais lentement, répétais ma phrase, puis je raccrochais. Mon interlocuteur avait peut-être raccroché le premier sans que je le sache. Je jouais le rôle d'un répondeur. Ces appareils n'existaient pas à l'époque, mais mon stratagème ne préfigurait pas les systèmes d'aujourd'hui, car moi je ne pouvais enregistrer aucun message!

Le départ de ma femme a tout changé pour moi. Il n'y avait plus personne à la maison. Mes deux filles l'avaient suivie, et au début de cette séparation je les vis très peu. J'étais donc devenu seul, en plus d'être sourd, et je savais que ma surdité était responsable de ma solitude. Ma vie nouvelle me condamnait à vivre à l'extérieur. Je ne supportais plus le tête à tête avec moi-même. Pendant les deux années qui viennent de s'écouler, pas une seule fois je n'ai passé plus de vingt-quatre heures d'affilée chez moi. Toujours dans ma voiture, ai-je jamais autant roulé ? Seul au volant, ne reculant pas devant des étapes de plus de mille kilomètres. Impossible de m'arrêter pour dormir quelque part. Quel aurait été l'intérêt de me retrouver seul dans une chambre d'hôtel ?

Les premières semaines de notre séparation, dans la foulée des habitudes, je continuais à fréquenter la bibliothèque municipale. Un jour, n'ayant pas de quoi écrire sur moi, j'ouvris la bouche pour emprunter un stylo-bille.
"Parlez-moins fort", me répliqua renfrogné le quidam concerné.

J'avais cette fois réussi à lire sur ses lèvres, ce qui ne m'était pas habituel. Lui aussi était sourd, mais moins que moi: il pouvait entendre, si on lui parlait fort. Je lui indiquais, en m'excusant, que moi également j'étais sourd, mais complètement. Pourtant le visage hostile ne s'en adoucit pas pour autant. La surdité rend de mauvaise humeur, même lorsqu'elle est incomplète !

J'avais essayé un moment de renouer avec le bridge, après une longue interruption. Le jeu, en lui-même, ne pose pas de problème, puisque les enchères se font par utilisation de fiches imprimées. La difficulté est ailleurs. Elle est avec les "autres", comme c'est normal ! Les autres, ils éprouvent le besoin de parler quand ce n'est pas indispensable, de s'expliquer sur un contrat qui s'achève, ou pendant une pause de parler d'autre chose. Mais le sourd reste étranger à tous ces échanges, qui sont - mais qui le sait parmi les bien-entendants? - une part importante du plaisir de ces jeux de société.

Cependant, rencontrer ces "autres" tout en demeurant isolé, sentir qu'on a néanmoins quelque chose en commun, demeure malgré tout préférable à la solitude. Le dimanche soir, souvent livré à moi-même, je retournais à la cathédrale assister à la messe. Bien qu'enfant de choeur dans mon enfance, sans attendre l'âge adulte je m'étais détaché de toute pratique religieuse. Mais je conservais un certain intérêt à assister aux offices. Avec ma femme nous y allions de temps en temps. Je n'entendais rien, mais je sentais son plaisir, qu'elle me détaillait parfois sur l'instant ou au retour.

Mais une fois seul, ce fut tout différent. Faute d'entendre, ou à défaut de deviner une émotion chez un être très proche, mon esprit ne pouvait se fixer sur du concret. Mes yeux m'offraient un spectacle muet, et forcément le déroulement de la liturgie m'échappait : sermons, chants des fidèles, musique religieuse .... A cette époque, je proposais mes services à la paroisse. Je ne trompais personne. Mes interlocuteurs savaient où en étaient mes rapports avec Dieu. Avec une lecture labiale convenable, on m'aurait facilement procuré quelque chose à faire. Mais, lors de l'entretien qui devait en décider, je fus plus que médiocre. Je ne comprenais rien de ce que me disait le prêtre qui m'interrogeait, même en regardant attentivement ses lèvres. Je fus refusé: j'avais raté mon examen de passage!
Je réalisais peu à peu que le complexe du sourd m'habitait de plus en plus. C'était un sentiment d'infériorité, basé sur un constat d'inutilité et la certitude que mes interventions troublaient partout le déroulement normal des choses.

Pourtant mon enthousiasme naturel reprenait parfois le dessus. Rien n'était perdu ! Et un jour en effet, l'un des prêtres rencontrés me mit en relation avec le responsable d'un centre de réadaptation pour personnes âgées. Pourtant le profil du bénévole recherché, tel qu'il apparaissait à la lecture d'une brochure, ne cadrait pas avec celui d'un sourd comme moi, à la capacité de dialogue fort réduite. Mais le médecin-chef, un homme de grande bonté, voulait m'aider, et en fin de compte il me confia la petite bibliothèque de l'établissement, dont je m'occupe depuis.

On était en janvier 1991. Le temps a passé. Et pourtant, juste avant mon départ pour l'hôpital, je ne lisais toujours pas sur les lèvres de mes interlocuteurs les plus patients. Les dialogues que j'avais quelquefois encore avec de rares amis n'étaient dus qu'au fait qu'ils acceptaient d'écrire, sans se lasser, pour me répondre, ou pour me questionner !

Depuis, je vais au "Centre" plusieurs fois par semaine. Les livres sont passés pour moi au second plan. Je me réjouis surtout d'avoir l'occasion d'y rencontrer des gens qui ont besoin de moi. Ce sont de vieilles personnes handicapées, pensionnaires de la maison de retraite. La surdité n'a tout de même pas pu empêcher que j'y trouve un peu d'affection. En voici un exemple: une de ces dames vient souvent me voir dans ce local qui sert de bibliothèque pour changer un livre. Malgré ses mains déformées, elle m'écrit longuement, et nous dialoguons ainsi quelques fois près d'une heure, entrelaçant nos solitudes de ces papiers échangés, et de mes réponses dites lentement et à voix haute. Car elle se plaint en riant d'entendre un peu mal !

Lorsqu'ainsi comme moi on essaie de repartir à zéro dans la vie, la surdité s'assimile à un cercle vicieux. On s'y trouve enfermé, et faute de pouvoir en sortir, on souffre de claustrophobie. On ne peut y échapper. Un sourd non assisté en est incapable. Ce qui est sûr, c'est qu'en l'absence de ce bouclier protecteur que fut longtemps ma femme, la surdité m'a cassé. Je n'ai rien pu y faire. C'est vrai, je le sais, l'origine de la déprime - je n'ai pas peur des mots - que j'ai subie ces derniers mois, est affective. Mon licenciement, puis le départ de ma femme ont tout déclenché. Mais c'est la surdité, qui en m'interdisant d'avoir une vie normale, n'a pas permis la cicatrisation naturelle de ces déceptions. Cette angoisse et cette tristesse, déguisées en hydre dévoreuse, vont-t-elle me grignoter, pour ne laisser qu'un squelette vivant, au sens psychologique du terme, sans aucune ressemblance avec l'homme que j'étais?

Heureusement, j'ai pu surnager grâce à l'appui de mes enfants, mes deux filles, qui sont vite revenues me voir. Chacune à sa place, avec son style, en fonction de ses possibilités du moment, a fait ce qu'elle a pu. Ce fut précieux. Mais le bilan de ces deux années d'effort est maigre: quelques relations, pas de véritable amis. Cela signifie-t-il que tant d'acharnement à me refaire une vie a malgré tout échoué ? Non. Seulement que les expériences vécues n'ont pas abouti. Quelques rares occasions de normaliser se sont présentées, ratées par manque de punch: le coeur n'y était pas, il faut le dire. Parmi ces rencontre, l'une d'elles va depuis peu dans le sens d'une amitié solide. Tout lui parait clair: un malentendant, c'est finalement une personne normale, m'explique-t-elle souvent. La personne concernée me parle de mariage. Mais je ne me sens pas assez sûr de moi pour me repasser la bague au doigt. Il faudrait que j'entende, au moins un peu, pour oser prendre une décision pareille. Mais en serai-je capable, même si cette implantation réussit ?

Pourquoi ai-je raconté tout cela ? C'est pour montrer en quoi me faire opérer est synonyme d'un immense espoir. C'est aussi pour souligner la force de ma motivation, sur laquelle le Dr FUGAIN et le Professeur CHOUARD insistaient tellement avant de se décider à me placer cet implant, ce Digisonic, qui est ma seule chance.

Lundi 12 Octobre: Jour J
La lumière s'allume. Je me réveille brusquement. Six heures et demie du matin. Une inconnue en blanc, devant mes yeux écarquillés, brandit un thermomètre agressif. Je me redresse. Je commence à me lever. Je l'implore:

-Puis-je aller à côté ?

Je ne comprends rien à la rapide explication qui m'est donnée. Un mouvement ferme m'oblige à me rallonger. Un second, tout aussi autoritaire, place un thermomètre sous mon aisselle. Ma susceptibilité prend le dessus. Je refuse de me laisser faire sans comprendre cette urgence incompréhensible. D'un bond je suis sur pieds, et fonce vers le petit endroit. La blouse blanche m'intercepte. D'un geste de la main elle me fait signe d'attendre un instant; elle sort un papier et m'écrit presqu'en petit nègre, en abrégeant ses mots, que j'ai peine à deviner:

-D'abord température et tension. Puis mini quartier libre. On vous prend à 7h30".

L'infirmière de service aurait pu peut-être hier me faire ces recommandations. Ma mini colère et ce malentendu ne se seraient pas produits. C'est toute ma vie de sourd que résume cet infime incident. Depuis le temps, je devrais en avoir l'habitude: les autres ne peuvent pas perdre leur temps en des explications sans fin avec ceux qui ne sont plus capables de les entendre. Ils pensent tout brutalement:
-Tu ne comprends pas ? tant pis, exécute-toi !".


Lundi 19 Octobre: Jour J + 7
J'ai entendu! Ca été extraordinaire, merveilleux. Mais quel bruit ! ou plutôt quels bruits !. Des sons inconnus, dans tous les sens, forts, ou aigus, graves ou faibles ! Il y en avait pour tous les goûts. Certains, quand ils étaient aigus, me donnaient une impression d'espace intersidéral. Quelques uns me faisaient presque mal, tellement ils étaient forts. On les a cherchés sur toutes les électrodes, puis on a vite arrêté. Pour ne pas me fatiguer, m'a-t-on écrit sur ce papier qui est encore là, dans ma poche, avec d'autres explications de ces instants mémorables. J'aurais bien continué. J'essayais d'expliquer au Dr Fugain ce que je ressentais, mais elle semblait trouver ça normal. Elle voulait, me semble-t-il, tempérer mon enthousiasme. Je croyais que j'allais remporter l'appareil avec moi. Elle a refusé. Elle m'a écrit:

-La cicatrice est trop fraîche. Nous reprendrons demain, pendant un peu plus longtemps.

J'ai hâte d'avoir un jour de plus : je vais entendre, c'est sûr! Je vais comprendre, c'est certain.

Mardi 20 Octobre : Jour J + 8
J'entends vraiment !. Me voici branché sur le minuscule boîtier argenté du Digisonic. Les sons se succèdent, tous différents, et même si leur intensité me surprend encore par moment, ces notes me bercent. Quelle douce musique !. Mon esprit s'accélère : puisque j'entends déjà tellement de choses au deuxième jour, un peu plus tard je comprendrai sûrement, j'arriverai à entendre les autres.

Je sors demain. On me donnera définitivement mon appareil au moment de mon départ.


Mercredi 21 Octobre : Jour J + 9
Nouvel essai ce matin avec Madame Monneron, l'assistante du Docteur Fugain. Le Professeur Chouard est venu me voir pendant ces essais. Il avait l'air satisfait. Madame Monneron a essayé de me parler avec l'appareil. J'ai entendu sa voix, mais je n'ai rien compris. Elle a laissé l'appareil branché sur mon oreille, et m'a remis le coffret dans lequel le ranger. Je vais le garder seulement pendant une heure aujourd'hui. Je l'ai sur moi pendant que j'écris. J'entends réellement le froissement du bic sur le papier. Des bruits incompréhensibles me parviennent parfois, peut-être des pièces voisines, ou de très loin. Tous ces bruits signifient pour moi: indépendance retrouvée.


Dimanche 15 Octobre: Jour J + 13
Quel brouhaha! Quel plaisir, mais quelle fatigue, aussi, d'entendre à nouveau ainsi depuis trois jours, tous les gens qui parlent et tous les sons usuels: la porte qui se referme derrière moi, le commutateur qu'on actionne, le bruit incroyable que l'on produit en déplaçant une assiette ou une fourchette.

Vendredi au dîner, mes deux filles sont venues me voir. C'est là où j'ai "découvert" leur voix pour la première fois de ma vie. Je ne les avais jamais entendues, puisque j'étais devenu sourd avant d'être père. Je croyais que ce serait très émouvant. Mais ce fut finalement très simple. Bien sûr je ne comprenais pas ce qu'elles disaient. Cependant je percevais leurs rires, je distinguais leur voix . Je me rendais compte que l'une parle vite et haut perché, tandis que l'autre au contraire parle lentement et de manière plus grave. Puis, avant de partir le soir, l'une d'elle m'a hélé lorsque j'avais le dos tourné. J'ai perçu cet appel, devinant que sans doute elle voulait dire "papa". Je me suis retourné! C'est encourageant, non ?

Demain je retourne à Paris, pour débuter la vraie rééducation.


Mercredi 29 Octobre : Jour J + 17
Les trois premières séances de vraie rééducation viennent de se terminer. A la première, après avoir effectué un ultime réglage - d'autres se feront chaque fois que nécessaire - le Docteur Fugain a commencé un début de travaux pratiques : deux mots d'une syllabe sont prononcés à mon oreille, et seule la voyelle permet de les différencier. Il ne s'agit pas de les comprendre, mais de les distinguer, et de reconnaître la différence qui existe entre PATTE et PENTE. Instant mémorable! ça marche ! Ce premier petit pas dans la rééducation est positif. Ensuite on continue le même travail, mais avec des termes non précisés au préalable. Le résultat n'est pas mauvais du tout. Je ressens une joie comparable à celle que semble éprouver un tout petit enfant faisant ses premiers pas. En continuant à travailler le temps qu'il faudra, je suis sûr que ma vie redeviendra normale.

Le lendemain, sur une liste préétablie de pays, on me demande de distinguer entre "Italie" et "Angleterre". C'est beaucoup plus difficile qu'on l'imagine. Ces deux pays ont le même nombre de syllabes. Alors, sur les conseils du Docteur Fugain, seul pendant quelques minutes je me répète successivement "Portugal", "Italie", "Angleterre". Toujours trois syllabes. Pour ces mots que je connais d'avance, mon oreille remarque et note des différences sans problème. On recommence ensuite le travail de reconnaissance: le Dr Fugain me parle; elle prononce ces mots en dissimulant ses lèvres et son visage. J'y parviens presque sans erreur. Encourageant !

Pourtant, quand elle me dit "c'est simple comme bonjour", et bien "bonjour", que je viens d'entendre, donne quoi, à mon oreille, pensez-vous? Deux syllabes, rien de plus. Aujourd'hui je suis tout à fait incapable de distinguer "bonjour" de "bonsoir", ou de tout autre mot comparable ayant deux syllabes. Mais elle me rassure. On n'attend pas ça de moi aujourd'hui. Il faut étudier peu à peu des groupes de différences, et puis progressivement cela vient tout seul, parait-il.


Lundi 23 Novembre : Jour J + 34
Je viens maintenant régulièrement passer les trois premiers jours de la semaine à Paris, pour la rééducation. Le dimanche, à l'heure du déjeuner, je prends la route pour Paris. J'ai retrouvé ma voiture avec plaisir. Mais aujourd'hui, dès que le moteur tourne, je l'entend; son bruit est comparable à celui qu'il faisait dans mes souvenirs il y a vingt cinq ans. Sur la voie rapide, un bruissement indéfinissable s'installe dans l'habitacle, il ne me quittera plus jusqu'à l'arrivée. C'est, m'a-t-on dit, le crissement des pneus sur l'asphalte, auquel s'ajoute le déplacement d'air, plus ou moins grand, si le vent souffle. Des voitures me doublent, mais je ne les entends qu'en baissant la vitre, aussi clairement dans ce cas, qu'en marchant sur un trottoir. Dans ce cas, quand je suis à pied, les bruits de la circulation sont bien perçus.

A Paris néanmoins, ce matin, la séance de rééducation a été la plus médiocre depuis mon opération. Je me suis trouvé minable. Mais je dois persévérer, ne pas me laisser aller au découragement. D'ailleurs, dès le début, le Docteur Fugain m'avait prévenu. Elle m'avait promis des "moments douloureux". Je lui suis reconnaissant de m'avoir averti. Je ne comprends pas ce qui c'est passé, car pourtant j'étais particulièrement en forme.


Mercredi 16 Décembre: Jour J + 57
Ces jours-ci les séances chez l'orthophoniste ont été très encourageantes. A partir d'un mot connu, il me faut comprendre l'ensemble d'une petite phrase, sans l'aide de la lecture labiale. Madame Monneron me donne le mot PROFESSEUR. Il me faut reconnaître la phrase qu'elle prononce ensuite, quand elle dit : "il rencontre son PROFESSEUR".
Puis elle a commencé un test encore plus difficile, dans lequel aucun mot repère ne m'était fourni. Il s'agissait de courtes phrases. Mais mes erreurs étaient très fréquentes. Alors elle m'a facilité les choses. Nous avons convenu que ces phrases ne porteraient que sur des thèmes connus. Au début, ce fût la cuisine. Puis ensuite, nous avons parlé des animaux de la ferme, et puis évoqué la circulation en voiture.

Lorsque je me trompe, Madame Monneron me met du baume sur le coeur. Elle m'explique qu'il ne peut pas être question pour moi d'effectuer une approche analytique, son par son, de ce que j'entends. Cela viendra plus tard. Actuellement je dois me contenter d'une approche globale. Je dois être attentif aux nuances, aux interrogations, aux affirmations. Et surtout je dois demeurer décontracté. Il vaut mieux répondre spontanément, même si je me trompe, dire ce que j'ai entendu. Je ne dois pas m'attarder, dans un effort un peu stérile, à essayer de deviner. Elle m'explique que cet effort ralentit la conversation, et que c'est ce cela que les bien entendants reprochent le plus aux sourds.

A propos, je commence à pouvoir lire sur les lèvres de mes interlocuteurs. Et je commence ainsi à avoir de vrais dialogues avec de plus en plus de personnes.


Vendredi 18 Décembre : Jour J + 60
En famille le travail personnel continue. Et notamment, chaque fois qu'elles me viennent me voir, mes filles reprennent avec moi les tests que j'ai subis en rééducation. Ou bien, avec l'interphone, elles essayent de commencer à me faire comprendre au téléphone, à l'aide de conversations improvisées :

-Bonsoir Monsieur F ..." ?

-Raoul, Comment ça va ?

-Et les enfants !

Eh bien, quelquefois du premier coup, mais en tout cas après le deuxième ou le troisième essai, je comprends presque complètement ce qu'elles me disent.

C'est tonifiant n'est-ce pas! Car je vois approcher ce que je vise : l'indépendance ! La soirée se termine on ne peut mieux. Graziella lit à haute voix deux de ses poèmes. Il ne m'est pas encore possible de comprendre tout ce qu'elle me dit, en utilisant uniquement le Digisonic. Alors je lis ses vers, puis elle les redit à nouveau. Et, ô miracle, je comprends peu à peu presque la totalité de ses deux poèmes.


Du Jeudi 24 au Dimanche 29 Décembre
Pêle-mêle, quelques impressions de Noël.

Le 25, j'étrenne un magnétophone offert par mes enfants, et j'utilise une cassette enregistrée par mon amie. Je crois pouvoir ainsi qualifier cette personne, dont j'ai déjà parlé. Finalement une véritable amitié paraît pouvoir exister entre nous. Par doses d'environ trois quarts d'heures chacune, j'écoute le contenu d'un plein cahier rempli de mots, de phrases simples, un texte vivant, pratique. Georgette, il faut la nommer, a un immense mérite. Alors qu'elle a tant à faire, consacrer des heures à cette tâche considérable !...

L'autre jour, dans le brouhaha du métro, j'étais entouré de trois autres jeunes gens, deux filles, un garçon. Malgré le bruit de fond, j'entendais leurs rires. Je "buvais" leur gaieté, car je l'entendais. Et puis, aimablement, le garçon m'a adressé la parole en riant. Il semblait me prendre à témoin de ce qui devait être une plaisanterie. Je n'ai rien compris, sans doute à cause du bruit important que faisait le métro. Ceci m'a obligé à faire comme autrefois, à me retrancher derrière ma surdité.

Je me rends bien compte que comprendre tout et dans n'importe quelle circonstance n'est pas pour demain. Il me faut redoubler d'efforts, et ne pas me contenter du plaisir d'entendre des choses faciles.

Jeudi 13 Janvier : Jour J + 78
Madame Monneron vient d'enregistrer ma voix. Je chante, et je m'entends ensuite. Fait nouveau aujourd'hui, je suis parvenu à chanter à peu près normalement. Le fait de m'entendre me permet de mieux doser la tonalité de mon chant. Je me souviens qu'il m'a fallu des semaines, à partir du moment où j'ai commencé à porter mon Digisonic, pour me rendre compte que j'entendais effectivement ma voix. Un long passé de "sourd profond" m'avait déformé, au point que je continuais à croire que je la sentais vibrer en moi, au lieu de réellement l'entendre et l'écouter.

Cette séance a été consacrée à l'audition musicale. Je n'aurais pas imaginé que je puisse trouver un tel intérêt dans la redécouverte de la musique, qui autrefois n'avait pas un grand intérêt pour moi. Madame Monneron m'a recommandé d'écouter plutôt des oeuvres rythmées. Elle m'a conseillé le Boléro de Ravel, l' Halleluia de Haendel, la Cinquième Symphonie de Beethoven. En écrivant ces lignes, je m'interroge : pourquoi suis-je si heureux de retrouver la musique, au point de vouloir en savoir sur elle bien davantage qu'auparavant ? Je crois pouvoir répondre à cette question. Grâce à la musique, je suis en train de normaliser le tête à tête avec moi-même. Il ne faut pas croire que je vais me replier sur ce "moi-même". Absolument pas! Mon besoin des autres n'a pas varié, et la nécessité de me rendre opérationnel avec eux est toujours impérative. Mais la musique, dans l'avenir, me permettra de mieux assurer mon indépendance, de mieux m'assumer, même seul.


Vendredi 28 Janvier : Jour J + 93
Voici quelques plaisirs du Digisonic. Derrière moi, il y a une volière habitée par des canaris. En face de moi, il y a deux personnes, et nous parlons tous les trois. Le chant des oiseaux retrouvé a l'inconvénient de brouiller les voix entendues. Néanmoins, malgré cette difficulté dont mes interlocuteurs ne semblent pas se rendre compte, je suis heureux d'entendre ces petits chanteurs à plumes, que j'espère bientôt pouvoir écouter dans la nature.

Au Centre des personnes du troisième âge, je continue à effectuer mon travail régulièrement. Je commence à lire sur les lèvres de la vieille dame qui était si aimable avec moi lorsque j'étais complètement sourd. Pour moi, cette lecture labiale intégrale est une "première" ! J'y parviens sans doute aussi aisément parce qu'elle parle lentement. Mais elle en profite - nous sommes tous ainsi faits - pour me poser d'incisives questions concernant ma vie privée, ce qu'elle ne s'était jamais permis de faire lorsqu'il lui fallait écrire pour se faire comprendre. Mais je ne m'en plains pas, je suis si content ! J'ai avec elle de véritables conversations. Non seulement je la comprends, mais les yeux baissés, je l'écoute. A son tour, elle est mon "professeur" et m'aide à me rééduquer dans la vie quotidienne.


Mercredi 9 Février : Jour J + 105
Hier soir, dès mon retour de Paris, je me décide à téléphoner, sans assistance. Je fais plusieurs tests, avec des personnes différentes. Le dialogue est le suivant :

Moi : je suis bien rentré

Elle : Tu as fait bonne route ?

Je répète toujours ce que l'on me dit, pour m'assurer d'avoir compris. Puis je réponds vraiment:

Moi ! Oui ...!

Elle : Pas trop fatigué ?

Je comprends : fatigué. Je répète, et lui dis:

Moi Non, je suis content d'être rentré

Nous terminons, en nous "embrassant" réciproquement. Depuis 1968, c'est le premier coup de fil passé, vraiment seul !

Deuxième appel:
Je cherche à joindre une de mes filles. J'ai affaire au répondeur, et ne m'en rend pas compte. Imaginant avoir été coupé, j'essaie plusieurs fois. De retour, elle comprend, et me rappelle:

Elle: C'est moi, Diane, nous devions nous voir demain ?

Moi : c'est toujours convenu pour demain, à quelle heure ?

Elle: Vers cinq heures

Moi: (je répète pour qu'elle me confirme que j'ai bien entendu) Cinq heures.

Elle confirme. Je lui demande d'apporter quelque chose. Il s'agit d'un vêtement, et je lui demande de répéter ce que j'ai dit. Là, c'est très facile à comprendre, puisqu'elle utilise les mots que je viens de prononcer. Elle conclut d'un énergique "d'accord". Puis elle ajoute "je suis contente de te parler". C'est bien! Je comprends sa satisfaction de me joindre au téléphone. On se quitte. Je raccroche.

Maintenant, toujours au téléphone, je passe une bonne demie douzaine de coups de fil. Tout d'abord, je tente d'appeler ma banque. Mais la tentative tourne court. L'employée raccroche. Après trois tentatives, j'abandonne: elle ne m'a pas reconnu. Elle n'a pas envie de m'aider dans ma tentative. Par contre, les autres appels, avec des parents, des personnes qui connaissent ma difficulté, sont positifs. Bien entendu, j'oriente la conversation, en faisant les demandes et les réponses. Chacun s'applique à perler lentement, les mots les plus simples sont employés. On les répète tant que nécessaire. Voici un échantillon de ces conversations simplifiées (j'attends quelqu'un samedi prochain, qui arrivera par le train en fin de matinée, mais je n'en sais pas l'horaire)

Moi : bonjour

Elle : Samedi ? .... convenu...

Mais j'entends : "sonnette ... venu". Elle corrige. Puis une heure est alors précisée. Mais je ne suis sûr de rien. Aussi, je prends l'initiative, et demande:

A 11 heures ? = réponse : non

A 12 heures ? = réponse : non

A 13 heures ? = réponse : non

A 14 heures ? = réponse : oui, oui, oui...!

En découpant ainsi l'information, j'arrive à savoir précisément que le train arrivera à l4 heures 05. C'est loin d'être parfait. J'ai des progrès à accomplir. Aucune comparaison pourtant avec ce qui se passait avant ; enfermé dans mon silence, rien n'était possible. Aujourd'hui, je suis déjà sorti de l'isolement téléphonique.


Jeudi 25 Avril
Sixième mois après l'opération.

Je vais arrêter là ce journal, et vais l'envoyer au Professeur Chouard comme il me l'a demandé. Je voudrais résumer ici tout ce que m'a apporté le Digisonic.

D'abord j'entends. Entendre à nouveau, tout et n'importe quoi, est vraiment merveilleux. Percevoir la voix des autres, leurs rires, le chant des oiseaux, le train qui passe, tout cela a un prix, que ceux qui n'ont jamais été sourds ne peuvent apprécier. Mais bien sûr, comprendre les autres, avec ou sans l'aide de la lecture labiale, est un "plus" très précieux. Mais ce "plus" est vraiment du luxe, par rapport au bénéfice de pouvoir entendre simplement les bruits que je viens de préciser à l'instant.

Néanmoins, c'est vrai, comprendre ce que dit une personne qui est trop loin de moi pour que je puisse lire sur ses lèvres, ou parce qu'elle est derrière moi, est réellement utile. Entendre la circulation quand on est au volant de sa voiture, être alerté par l'arrivée des pompiers ou d'une ambulance, être prévenu par le bruit qu'elle fait de l'arrivée d'une voiture qui vous double - mais dans ce dernier cas je ne peux entendre cela que les vitres baissées - tout ceci est extrêmement utile dans la vie de tous les jours.

Mais en plus, maintenant, j'ai la possibilité de parler au niveau sonore qui convient à mon interlocuteur. Je peux parler fort s'il le désire, ou au contraire à voix presque basse, si je sens qu'il le préfère. Quant au téléphone, après huit mois, je parviens à l'utiliser presqu'entièrement seul. Bien sûr, ce n'est pas parfait. Dès que j'aborde des sujets difficiles, je suis obligé de confirmer ce que j'ai compris, en répétant, ou en employant la technique des demandes et des réponses. Cependant, malgré cette imperfection, c'est capital, lorsque l'on vit habituellement seul, de pouvoir employer le téléphone si c'est nécessaire.

Et puis - autre bienfait du Digisonic - cette amie dont je vous ai parlé, semble tenir de plus en plus à moi. C'est vrai, que je suis redevenu gai et plein d'allant, comme je l'étais autrefois. Depuis six semaines nous vivons ensemble. Je me dis qu'il doit être possible d'être à nouveau heureux, même si je ne sais encore pas si j'aurai un jour le courage de me marier avec elle, comme elle me le demande."


Ces extraits pourront peut être sembler un peu longs à certains lecteurs.
Mais ils retracent bien la plupart des problèmes que pose la surdité totale, et les modalités et les impératifs de sa réhabilitation. Ils illustrent aussi la difficulté pour apprendre la lecture labiale rencontrée souvent par ces patients, lorsqu'ils sont devenus très brusquement totalement sourds. Et Mr F... raconte clairement les progrès rapides qu'il put réaliser dès les premières semaines où il commença à entendre.

Certains patients, atteints d'une surdité sévère ancienne préalable à leur surdité totale, arrivent à entendre tellement mieux avec leur implant qu'avant d'être devenus complètement sourds, qu'ils se réjouissent rétrospectivement du malheur qui les a conduits vers nous. Ils avaient depuis longtemps une surdité incomplète, mal palliée par des prothèses classiques, qu'ils utilisaient néanmoins quotidiennement depuis des années. Un jour, quelle qu'en soit la cause, leur surdité devient totale. La mise en place de l'implant leur donne alors souvent une audition bien meilleure que celle qu'ils obtenaient jusque là de leurs prothèses. Le long apprentissage d'une surdité incomplète va rendre plus spectaculaire l'efficacité de l'implant lorsque celui-ci deviendra nécessaire.

Il faut dire que, malgré son tonus et son désir d'entendre, les résultats auditifs de Monsieur F... ne sont pas parmi les meilleurs de ceux que nous obtenons habituellement, car certains patients peuvent avoir au téléphone une conversation pratiquement normale.

Mais pour Mr F.... les résultats n'en sont pas moins spectaculaires, dans la mesure où l'ancienneté de sa surdité était considérable.
Plus de vingt cinq ans s'étaient écoulés, avant que l'implant cochléaire lui redonne les moyens d'entendre !


Yet France played a crucial role in developing the necessary technology: indeed, the patent granted to Bertin in 1977 determined all the procedures that would be used by other international teams. Today, in 2014, the principles of sound signal processing of the french multichannel cochlear implant, described in 1977 by CHOUARD and MAC LEOD, are now applied by all device manufacturers

this site has been recentlly designed in order to describe, in 2014,  the importance of
  the french surgical and electrophysiological researches

in the development of multichannel cochlear implant

since 1973.

For about ten years, this role has been particularly overlooked or "forgotten"

in several french and internatonal pages of Wikipedia

 


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